Delya : Sainte du désert tunisien
- Lumière Saharienne
- 15 mars
- 3 min de lecture
Il y a quelques semaines, nous participions à la zerda de Delya, une fête religieuse organisée en son honneur. Nous vous avions alors expliqué dans l'article précédent ce qu’est une zerda, mais aussi les traditions entourant les hadhra, ces pratiques spirituelles collectives mêlant chants, prières et rythmes pour atteindre un état de méditation profonde ou de transe. Aujourd’hui, il est temps de vous raconter l’histoire de Delya, cette grande marabout de notre région.
En Afrique du Nord, un marabout désigne traditionnellement une figure religieuse respectée, souvent un érudit ou un saint, initialement soufi, considéré comme un intermédiaire entre le divin et les fidèles. Ces figures spirituelles sont associées à la transmission de la connaissance islamique, à la bénédiction (baraka) et parfois à des pouvoirs spirituels ou miraculeux (notamment de guérison). Leurs sanctuaires, appelés zaouïa, sont des lieux de pèlerinage où les croyants viennent prier, demander protection ou chercher des réponses à leurs problèmes. Bien que leur rôle varie selon les régions, les marabouts occupent une place centrale dans les pratiques spirituelles populaires, mêlant soufisme et traditions locales.
Dans notre village, et plus largement dans les environs, chaque famille ou ancienne tribu a son marabout de prédilection. Mais ici, une figure se distingue particulièrement : Delya. Sa sainteté et ses pouvoirs de guérison continuent d’être largement reconnus. Son sanctuaire, situé dans le désert à quelques kilomètres au sud de Zaafrane, le village voisin, est un véritable lieu de pèlerinage. Chaque année, des croyants des villages alentour s’y rendent pour honorer sa mémoire et tenter de se rapprocher de Dieu.

Il est difficile de déterminer avec précision l’époque où Delya a vécu. Dans cette culture, le temps et la quantification des événements n’ont pas la même importance que dans d’autres traditions. Les récits se transmettent oralement, et aucun document écrit ne relate son histoire. Ainsi, plusieurs versions coexistent. Aujourd’hui, nous vous partageons celle transmise dans la famille de Wissem.
Delya aurait vécu il y a au moins une centaine d’années. Il semblerait qu’elle était originaire d’Algérie. Elle serait arrivée dans la région de Douz lors de son hajj – le pèlerinage à La Mecque – qu’elle effectuait à pied depuis son pays natal avec son âne. Elle était alors accompagnée d’un groupe d’une quarantaine de femmes qu’elle avait rencontrées en chemin et qui, fascinées par son aura, avaient décidé de la suivre.
Lorsqu’elles atteignirent le désert au sud de Zaafrane, le groupe de femmes décidèrent d’y faire une pause. Delya entendit alors une voix, probablement celle d’Allah, ou d’un Ange, lui demandant d’arrêter son pèlerinage et de s’installer ici. Une mission plus importante que le hajj, pourtant l’un des cinq piliers de l’Islam, l’attendait dans cette région. Obéissant à cet appel divin, elle s’établit avec son groupe de femmes. Grâce à ses talents de sourcière, elle trouva rapidement une source, un trésor inestimable dans ce désert aride.

La présence d’une groupe de femmes, seules, dans le désert attira vite l’attention des tribus nomades alentour, et des dizaines de personnes vinrent à elles. Bien qu’elle n’en ait pas eu conscience auparavant, Delya découvrit qu’elle possédait un don de guérisseuse. Ce don, ajouté à son aura particulière, sa sagesse et sa connaissance approfondie de la religion, lui valut d’être reconnue comme marabout.
Peu d’autres détails subsistent sur sa vie, mais le simple fait que son nom soit encore honoré aujourd’hui témoigne de son importance. Son sanctuaire reste un lieu de dévotion, et sa mémoire continue d’inspirer.
Madeline aurait aimé rencontrer cette femme, cette grande figure, qui a œuvré, consciemment ou non, pour les femmes.
Comentarios