Plongée dans la Hadhra : Une expérience spirituelle unique dans le désert
- Lumière Saharienne
- 14 mars
- 3 min de lecture
Après en avoir entendu parler pendant près de six ans, Madeline a enfin vécu sa première Hadhra dans le désert en décembre. Elle en avait déjà expérimenté une au village, mais dans l'immensité du désert, l'expérience prend une toute autre dimension !
Cet article est le premier d’une série de trois relatant l’expérience de Madeline, qui a vécu une Hadhra dans le désert. Dans celui-ci, nous introduirons cette pratique spirituelle et son lien avec le désert. Le deuxième article sera consacré à l’histoire de Delya, la marabout en l’honneur duquel cette Hadhra a été organisée. Enfin, dans le troisième, Madeline partagera le récit de cette première expérience tant attendue.
Hadhra : présence divine
"Hadhra" signifie littéralement "présence", en référence à la présence divine que les participants cherchent à atteindre au cours de ce rituel. C'est une pratique associée au soufisme, une branche mystique de l'Islam, visant à purifier l'âme et à se rapprocher de Dieu. Durant une Hadhra, différentes pratiques collectives sont combinées dans le but d’atteindre une forme d’élévation spirituelle ou de transe, souvent pour se rapprocher de Dieu.
Les participants récitent ou chantent des poèmes spirituels, souvent en l’honneur de Dieu, Allah, du prophète Mohamed (sala Allahou 'alayhi wa sallam), ou des marabouts. Le dhikr, ou la mention répétée des noms divins, est au cœur de la Hadhra. Les participants répètent des formules comme "La ilaha illa Allah" (Il n’y a de dieu qu’Allah) ou d’autres noms et attributs divins. Ces chants sont accompagnés d’une mélodie qui intensifie l’expérience spirituelle et d’instruments (ici le bendir – un tambour) qui jouent un rôle central pour créer une cadence répétitive et immersive, propice à la méditation et à l'état de transe.

Certains participants entrent en effet dans un état de transe en effectuant des mouvements rythmés, telle une danse. L’objectif de la Hadhra est de dépasser l’état ordinaire de conscience et d’atteindre une extase spirituelle. Les participants, en plus de cette danse, peuvent manifester des émotions intenses, des cris ou des mouvements incontrôlés, qui sont perçus comme des manifestations de la présence divine.
La Hadhra chez les anciennes tribus nomades
La Hadhra est un symbole fort de l’identité culturelle et spirituelle de certains villages, voire quartiers aux alentours de la ville de Douz. Pour ces habitants, anciennement nomades, c’est une expérience à la croisée de la foi, de la culture et de l’héritage saharien. En effet, la Hadhra est un rituel soufi, or aujourd’hui ces habitants sont essentiellement sunnites (courant principal de l’Islam).
Le soufisme a longtemps été une composante majeure de l'Islam dans les régions rurales et sahariennes. En Tunisie, il a joué un rôle crucial dans l'islamisation des communautés, particulièrement dans les régions reculées comme le sud. Avec le temps, certaines pratiques soufies, comme la Hadhra, se sont détachées de leur cadre doctrinal pour devenir des traditions ancrées dans la culture religieuse locale, adoptées même par des musulmans sunnites.
Toutefois, ces croyances et pratiques sont parfois remises en question par des courants religieux plus rigoristes qui rejettent la vénération des marabouts et les rituels soufis, considérés comme des innovations non conformes à l'Islam orthodoxe. Malgré cela, la force de l’héritage culturel et spirituel permet à ces traditions de perdurer.

La Hadhra et les marabouts
Les marabouts sont des figures spirituelles, à l’époque souvent des saints soufis, ou des érudits pieux, auxquels les communautés attribuent des pouvoirs spirituels ou miraculeux. Ils sont généralement associés à des zaouïa, des sanctuaires ou tombeaux devenus des lieux de pèlerinage. Ces lieux sont perçus comme des espaces de bénédiction et de protection spirituelle. Les Hadhra sont parfois organisées pour honorer un marabout lors de sa zerda (fêtes religieuses dédiées à un marabout). C’est un moment où la communauté se réunit pour chanter, danser et prier, tout en invoquant la baraka (bénédiction) du marabout. Le rituel a alors lieu directement dans sa zaouïa mais peut aussi se tenir en plein air, sous les étoiles, renforçant le lien mystique avec le désert. Le désert, avec son immensité et son silence, est vu comme un lieu de pureté et de réflexion spirituelle, renforçant l’intensité du rituel.
Le 15 et 16 décembre dernier était ainsi célébrée la zerda du marabout Delya à proximité de sa zaouïa, en plein désert donc. De nombreuses familles, dont les ancêtres côtoyaient Delya, ce sont réunis pour vivre des moments de partage et de célébration.
留言